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Document – La CGT en 14-18 : l’Union Sacrée !

Le Syndicalisme en France

Georges Lefranc

[Membre éminent de la C.G.T. Jaune]

1953

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Le malaise syndical à la veille de la guerre de 1914

Le syndicalisme était, dès 1913, aux prises avec deux problèmes qu’il n’arrivait pas à résoudre.

Le problème du pouvoir. – Au gouvernement, Millerand, de 1899 à 1902, avait tenté de s’appuyer sur certains syndicalistes réformistes ; plus tard Aristide Briand avait conservé des liaisons avec des syndicalistes révolutionnaires : le syndicalisme avait subi la tentation du pouvoir. On avait pu prévoir que tous ne resteraient pas insensibles aux offres de collaboration qui pourraient être formulées par un gouvernement cherchant l’appui des organisations syndicales ou un appui dans les organisations syndicales. Mais avec des présidents du Conseil de tempérament autoritaire, Clémenceau (1906-1909) ou Caillaux (1911), une autre difficulté surgissait : le jour où le Pouvoir voudrait engager la lutte contre un syndicalisme qui s’épuisait en de vaines guérillas et fatiguait l’opinion, qui l’emporterait ? En 1908, tout le bureau confédéral avait été arrêté ; la masse ouvrière n’avait pas bougé ; Briand lui-même, en octobre 1909, brise une grève des Cheminots, en les mobilisant pour vingt et un jours ; en 1913, Louis Barthou songe à dissoudre la C.G.T. en s’appuyant sur la loi de 1884 qui n’en prévoyait pas expressément l’existence.

Le problème des masses. – Les syndicalistes révolutionnaires pensaient qu’ils entraîneraient derrière eux une élite et que cette élite à son tour encadrerait les masses. Pour eux le syndicalisme devait être un long et courageux effort. À mesure que le syndicalisme grandissait, il serait astreint à des tâches de plus en plus difficiles. Il lui faudrait notamment étudier avec précision et sang-froid la structure du capitalisme, pour ne pas lancer de grève à la légère. C’est ce qu’entreprend Merrheim.

Né en 1871, à La Madeleine-les-Lille, ouvrier chaudronnier en cuivre, Merrheim a créé en 1891 un syndicat à Roubaix ; en 1892, il fonde la Bourse locale du Travail ; en 1909, il devient l’un des secrétaires de la Fédération des Métaux, appelant sans relâche ses camarades à une analyse précise des entreprises que d’autres jugent inutile, voire dangereuse. Pris entre la démagogie des uns qu’entraîne Gustave Hervé et le paresseux penchant à l’improvisation des autres, il n’obtient pas tous les résultats qu’il souhaite ; et il s’en montre inquiet.

Le Ralliement à la Nation

De 1895 à 1914, les syndicalistes révolutionnaires n’avaient cessé de se considérer comme en dehors de la Nation.

Du refus de la Défense nationale à son acceptation. – En 1918, le Congrès de Marseille avait voté, par 670 voix contre 406 un texte rappelant “la formule de l’Internationale : les travailleurs n’ont pas de patrie” et recommandant aux travailleurs de répondre “à la déclaration de guerre par une déclaration de grève générale révolutionnaire”.

À la fin de juillet 1914, Jouhaux formule encore dans “La Bataille syndicaliste”, un véritable réquisitoire contre le régime tzariste – allié de la République française.

Le 28 juillet, le Comité confédéral déclare :

“Dans la situation présente, la C.G.T. rappelle à tous qu’elle reste irréductiblement opposée à toute guerre. La guerre n’est en aucune façon une solution aux problèmes posés. Elle est et reste la plus effroyable des calamités humaines. À bas la guerre ! Vive la paix !”

Mais à la suite de l’ordre de mobilisation générale la C.G.T. publie un manifeste qui accepte le fait accompli :

“Les événements nous ont submergés. Le prolétariat n’a pas assez unanimement compris tout ce qu’il fallait d’efforts continus pour préserver l’humanité des horreurs d’une guerre… Pouvions-nous demander à nos camarades un sacrifice plus grand ? Quoiqu’il nous en coûte, nous répondons : Non.”

Aux obsèques de Jaurès, le 4 août, Jouhaux s’écrie :

“Avant d’aller vers le grand massacre, au nom des travailleurs qui sont partis, au nom de ceux qui vont partir et dont je suis, je crie devant ce cercueil que ce n’est pas la haine du peuple allemand qui nous poussera sur les champs de bataille, c’est la haine de l’impérialisme allemand.”

L’émotion est à son comble. On pleure. Maurice Barrès applaudit avec force. Un sénateur qui fut un ennemi acharné de la C.G.T. s’écrie :

“Et dire que voilà des hommes que nous voulions faire emprisonner”.

Ainsi la C.G.T., rompant avec ses décisions antérieures, prend sa place dans l’Union sacrée.

***

Aucune voix ne s’élève à ce moment pour protester contre l’oubli des décisions antérieures. Mais la question sera discutée après l’armistice. Contre Jouhaux et ses amis sera lancée l’accusation de trahison (des intérêts ouvriers au profit de la bourgeoisie). Les opposants au bureau confédéral parleront de peur, de marché conclu avec le gouvernement.

En fait on ne peut comprendre un pareil revirement si l’on oublie l’atmosphère d’alors :

“Nous étions complètement désemparés, affolés,” reconnaît Merrheim.

Fallait-il donc se taire, laisser passer la vague, attendre le moment où il serait à nouveau possible de tenir le langage traditionnel et d’user des armes habituelles ? C’était condamner de mouvement syndical à l’impuissance pour une longue période, au terme de laquelle il risquait de ne plus retrouver ni ses chefs, ni ses cadres. La volonté de continuer à agir explique l’attitude de Jouhaux et de ses amis.

“Si, par collaboration on entend : prendre une responsabilité dans les décisions du pouvoir, cette collaboration, jamais je ne l’ai faite.

“Si on entend par collaboration que, cédant aux circonstances, accablé par elles comme les autres camarades, essayant de défendre pied à pied les intérêts ouvriers, j’ai pris une place partout où il était nécessaire de les défendre, cette collaboration je l’ai faite.”

Telle est l’argumentation de Jouhaux en 1919.

***

Le syndicalisme de collaboration. – Mais la collaboration est un engrenage. Les leaders du syndicalisme révolutionnaire ne seront admis à défendre les intérêts de leurs camarades que s’ils montrent qu’ils ont rompu pour toujours, avec l’antimilitarisme et l’antipatriotisme.

Trois millions d’hommes rejoignent les dépôts ; 47 % des entreprises ferment ; leur personnel est ou mobilisé (22 %) ou congédié (44 %). Les établissements qui continuent à travailler n’emploient plus que 34 % de l’effectif antérieur. Deux millions de travailleurs sont réduits au chômage, auxquels s’ajouteront, après Charleroi, les réfugiés du Nord et de Belgique. Il faut les remettre au travail : l’État s’y emploie ; il crée le 26 octobre 1914, l’Office central de placement des chômeurs et des réfugiés. Ainsi la guerre amène le triomphe du placement public que le parlement hésitait à imposer avant 1914. Est-il possible au syndicalisme de ne pas s’y intéresser ?

***

Au début de 1915, la nécessité d’avoir “des canons, des munitions” oblige l’État à créer des usines d’armement. On rappelle quatre cent mille spécialistes des armées. Si le syndicalisme ne s’était pas associé à la Défense nationale, n’eût-il pas condamné ses militants à demeurer aux tranchées ? De 50.000 employés dans les arsenaux d’État, on passe à 1.700.000 travailleurs contrôlés par le ministère de l’Armement en 1918. Dès mai 1917 on compte 680.000 femmes, ouvrières spécialisées ou manœuvres ; 200.000 immigrés des colonies ; 80.000 étrangers ; 300.000 prisonniers allemands. Que de menaces pour la main d’œuvre habituelle !

Les syndicats seront désormais et jusqu’à la fin des hostilités “des sociétés protectrices de la classe ouvrière” (Monatte). Un paternalisme syndical apparaît en effet, produit des circonstances, plus que résultat d’un choix délibéré.

Dorénavant, jusqu’à sa mort, en 1932, un homme marque de sa personnalité le syndicalisme français, tout en lui demeurant extérieur : Albert Thomas.

Sous-secrétaire d’État, puis ministre de l’Armement, le député socialiste de Champigny a conservé de l’enseignement de Jaurès le sentiment que l’action politique, l’action syndicale et l’action coopérative doivent mutuellement s’épauler. Au gouvernement il favorise, autant qu’il le peut, la représentation des syndicats dans les organismes où ils doivent être utiles. En juin 1916, reprenant des formules auxquelles avait songé Millerand, il a créé des Comités du Travail dans les établissements qui travaillent pour l’armement. Des délégués des syndicats des métaux y représentent le personnel. Les syndicats sont aussi représentés dans le Comité du Travail féminin et dans les Commissions de placement des mutilés et d’allocations aux veuves et aux victimes de la guerre.

Vers la Fédération des Métaux les adhésions affluent : de 18.000 syndiqués en 1916 (avec 84 syndicats) elle passe à 204.000 en 1918 (avec 210 syndicats). La France évolue vers un syndicalisme de masse que connaissaient déjà des pays voisins.

Les partisans de la collaboration entre un État qui glisse à l’étatisme et un syndicalisme qui s’assagit, font valoir qu’elle permet souvent de faire l’économie de grèves, qui auraient désorganisé l’effort de guerre, et d’obtenir en matière de salaires des avantages discrets que l’opinion des combattants et de leurs familles aurait peut-être sévèrement jugés si elle avait pu les comparer aux soldes versées aux soldats du front.

***

Le mouvement minoritaire. – La Fédération des Métaux, principale bénéficiaire de la collaboration, la critique cependant sévèrement.

Du 5 au 8 septembre 1915 s’est tenue en Suisse, à Zimmerwald, une conférence entre socialistes et syndicalistes hostiles à la guerre. Lénine y était, de même que Merrheim, des Métaux, et Bourderon, du Tonneau ; ils ont serré la main des délégués allemands, Hoffmann et Ledebourg. Ils ont voté ensemble un texte dénonçant l’union sacrée, proclamant leur attachement à la lutte de classes, réclamant la fin des hostilités qui “déshonorent l’humanité”, refusant toute annexion effective ou masquée. “Cette guerre n’est pas notre guerre”.

Mais à Lénine qui suggérait la création d’une nouvelle Internationale, Merrheim a jeté : “Je ne suis pas venu ici, pour créer une Troisième Internationale. Je suis venu pour jeter et pour faire entendre le cri de ma conscience angoissée au prolétariat de tous les pays”.

Les “minoritaires”, avec Merrheim condamnent l’union sacrée, non seulement par attachement à l’internationalisme et au pacifisme, mais aussi par crainte de voir, à la faveur de la collaboration, le syndicalisme peu à peu s’intégrer dans l’État.

À partir d’octobre 1917, et surtout au printemps 1918, lorsque les offensives allemandes enfoncent à plusieurs reprises le front français, les divergences s’aggravent dans la minorité. Ceux qu’enfièvre l’exemple bolcheviste, ne reculent pas devant l’idée d’une défaite française et d’une paix analogue à celle de Brest-Litowsk, que Merrheim et ses amis répudient. Au Congrès de juillet 1918, à Paris (seul Congrès de cette période de guerre), Merrheim rejette le défaitisme révolutionnaire, d’inspiration léniniste et se retrouve près de Jouhaux, contre Monatte et contre les admirateurs de la Révolution russe.

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La poussée révolutionnaire de mai 1919-mai 1920. – Pour l’opinion populaire, l’armistice devait ouvrir une ère nouvelle où régneraient la Paix internationale et la justice sociale. Des promesses avaient été faites. Il apparaissait impossible qu’elles ne fussent pas tenues. La vague révolutionnaire venue de Russie déferlait déjà en Europe centrale. À ne pas vouloir en tenir compte, les gouvernants ne risqueraient-ils pas le pire ? On vit en France le gouvernement Clémenceau, à la veille d’un 1er mai 1919 qui s’annonçait tumultueux, faire voter la loi de huit heures pour laquelle la C.G.T. avait vainement rompu tant de lances au début du siècle ; première concession qui paraissait en annoncer bien d’autres.

Des métaux, le syndicalisme de masse a gagné d’autres corporations. Aux 250.000 métallurgistes inscrits à la C.G.T., s’ajoutent maintenant 250.000 cheminots, 200.000 ouvriers du textile, 150.000 ouvriers du bâtiment, 130.000 mineurs en 1920, les statistiques officielles reconnaîtront 1.580.000 membres à la C.G.T. qui en revendique 2.400.000. De la classe ouvrière, le mouvement vers le syndicalisme déborde vers les fonctionnaires : en décembre 1918, les agents des P.T.T., en septembre 1919, les instituteurs en mai 1920, la Fédération des Fonctionnaires, désormais syndiqués, rejoignent la C.G.T.

Le 1er mai 1919 est marqué par des bagarres : le gouvernement a interdit la manifestation de l’Union de la Région parisienne ; elle a lieu cependant. Jouhaux reçoit un coup de matraque. Était-il possible de continuer et d’amplifier le mouvement ?

200.000 métallurgistes (dont 80.000 dans la Région parisienne sont syndiqués) sont en grève à la fin de mai. Vergeat dans La Vie Ouvrière du 11 juin 1919 réclame de la C.G.T. les décisions nécessaires :

“Les questions de salaires, les questions professionnelles ou les huit heures ne suffisent plus. Le monde ouvrier veut voir par delà la question purement économique… Il y a chez les métallurgistes en grève un terrain merveilleusement préparé ; il n’y a qu’à l’entretenir et le cultiver. C’est là le devoir des militants… Ce n’est donc pas aux métallurgistes parisiens, mais à la C.G.T. à parler et à agir.”

La C.G.T. annonce une grande manifestation contre l’intervention des alliés en Russie et en Hongrie. Mais du 27 mai, elle la recule au 2 juillet, puis au 21, puis, au dernier moment, elle la décommande. La déception est vive, à la base, où, avec quelque naïveté peut-être, on était convaincu d’un total succès.

La vague déjà reflue ; la fatigue de quatre années de guerre dilue le désir de changement : les métallurgistes parisiens sont vaincus. Au moment de passer à l’action, des organisations qui semblaient résolues, se révèlent très prudentes. Jouhaux et Merrheim sont convaincus que la masse ouvrière n’est pas prête aux tâches qui l’assailliraient si elle renversait le régime. Jouhaux connaît la complexité de la besogne gouvernementale ; il sait que la victoire de Lénine n’a été possible que par l’impuissance de Kerenski. Merrheim insiste sur la différence qui sépare la Révolution politique et la Révolution économique. C’est le vieux débat qui renaît entre Proudhoniens, pour qui la Révolution postule la capacité et Marxistes pour qui elle n’est possible que par la prise du pouvoir.

Merrheim est déçu par les militants autant que par la masse ; il s’écrie :

“Les militants doivent avoir le courage de parler, de ne pas se laisser entraîner par la masse inorganisée, par la foule déchaînée, poussée dans la rue par la nécessité et réclamant comme seule satisfaction de ses personnels appétits matériels, des augmentations de salaires”.

Le syndicalisme révolutionnaire concevait la masse à travers une minorité qu’il parait de toutes les vertus nécessaires au succès de la Révolution. Mais cette minorité manque parfois au devoir de dire la vérité ou à celui de connaître la réalité. Quant à la masse, elle se croit révolutionnaire ; mais elle ne cherche dans la Révolution que la satisfaction de ses désirs. Telle est la pensée de Merrheim.

Ainsi ceux qui dirigent la C.G.T. n’ont plus confiance dans les masses telles qu’elles sont. Mais la réciproque aussi est vraie. Les masses impatientes ne se reconnaissent plus dans des chefs aussi sages.

Monatte jette à Jouhaux :

“Il vous manque l’essentiel : la foi, dans la classe ouvrière et dans ses destinées”. À la sagesse du Bureau confédéral, les minoritaires opposent l’exemple russe :

“C’est dans l’épanouissement de la Révolution russe et dans son extension à tous les pays que résident les espérances de tout le prolétariat martyrisé et épuisé par cinq années d’extermination sans précédent… Vive la République internationale des Soviets” : ainsi s’exprime la motion minoritaire au Congrès de Lyon, en septembre 1919.

Finalement la C.G.T. décide la grève générale à partir du 1er mai 1920, le bureau confédéral suivant à regret l’ordre donné par la Fédération des Cheminots, dont la direction a été conquise par les minoritaires avec Monmousseau. L’enthousiasme manque : la méthode des vagues successives de grèves, échelonnées, facilite la tâche du gouvernement, présidé par Millerand qui connaît les points faibles du mouvement. Vingt-deux mille révocations chez les cheminots paralyseront le mouvement syndical pendant quinze ans. Le 13 janvier 1921, la C.G.T. est, elle-même, officiellement dissoute par un jugement correctionnel ; l’appel permet d’obtenir un ajournement sine die, qui la sauve de la mort juridique.

Des formules nouvelles. – La grande espérance de 1919 se solde par un échec dont les effets seront sensibles jusqu’en 1936 ; les syndicalistes n’en ont pas moins élaboré à ce moment les deux formules qui seront appliquées lors du Front Populaire et à la Libération : celles de la nationalisation industrialisée, et du contrôle ouvrier.

1. La nationalisation, en germe dans les écrits de Jaurès, a été précisée par le socialiste autrichien Otto Bauer, président de la Commission de Socialisation de l’Assemblée autrichienne. Tous les grands services de l’Économie moderne doivent être transférés à la collectivité ; mais cette collectivité n’est pas l’État traditionnel ; usagers et producteurs y ont leur place. Ces articles, traduits, ont paru dans L’Humanité, puis ont été réunis en brochure.

De la mine aux mineurs à la “nationalisation tripartite”, la route est longue ; les syndicalistes révolutionnaires d’avant guerre l’ont parcourue vite, instruits par la guerre. Ils ne croient plus que le syndicalisme puisse suffire à tout, ni que les ouvriers manuels aient le droit de parler au nom de tous les producteurs. Ces idées, déjà indiquées dans les discours des majoritaires au Congrès de Lyon (septembre 1919) sont précisées par le Conseil économique du Travail que la C.G.T. constitue en janvier 1920, avec le concours de la Fédération nationale des Coopératives de Consommation (les usagers ont leur mot à dire) et de l’Union syndicale des techniciens de l’industrie, de l’Agriculture et du Commerce (les techniciens sont aussi nécessaires).

C’est Charles Gide, le théoricien de l’École coopérative de Nîmes qui fournit la définition cherchée :

“Une entreprise est nationalisée lorsqu’elle n’est plus exploitée qu’en vue des besoins de la communauté et qu’elle n’a d’autre but que de procurer aux consommateurs le maximum d’utilité et d’économie”.

Dans les conseils prévus les syndicats d’ouvriers n’auraient qu’un sixième des sièges, les techniciens obtenant l’autre moitié du tiers dévolu aux salariés.

L’intégration du syndicalisme français à la Défense nationale conçue comme provisoire en août 1914, aboutissait ainsi à une intégration durable à la Nation.

2. Mais cette nation, on espère la transformer. Les formules saint-simoniennes et proudhoniennes sont remises en circulation contre le vieil État napoléonien. La C.G.T. veut éliminer le fonctionnaire d’autorité, comme elle veut déposséder le patron de droit divin. Elle souhaite des conventions collectives et réclame un contrôle ouvrier que la Fédération des Métaux, en 1923, conçoit comme devant s’étendre successivement : à l’embauchage et au licenciement ; à l’application des conventions collectives ; à l’application des lois sociales ; à la gestion commerciale et financière.

Comités d’Entreprise et délégués du personnel dérivent de cette formule du contrôle ouvrier, qu’influence l’expérience des Conseils d’Entreprise de la République de Weimar.

À travers ces institutions s’ils arrivent à les obtenir, comme à travers les innombrables comités où des syndicalistes sont appelés à siéger, les dirigeants de la minorité confédérale veulent faire l’éducation des militants.

Il faut former les cadres nécessaires à la Révolution de demain. C’est leur absence qui a condamné au piétinement. Mais il n’y a pas de formation valable en dehors de l’action. Les militants venus des milieux libertaires n’ont qu’une culture d’autodidactes, disparate et lacunaire. Ils ont essayé de la compléter par eux-mêmes ; mais ils ne voient pas d’autres moyens de formation valable que celui qu’ils ont employé : la “formation sur le tas” qui à leurs yeux a le mérite de forger le caractère et d’être toujours orientée vers l’action. Le programme qu’ils formulent, ils le tirent de leur propre expérience ; sans doute convient-elle mieux aux années paisibles qu’on va connaître jusqu’en 1930 qu’aux années de fièvre qu’on vivra par la suite.

Extrait du “Que sais-je ?” n°585,
Le Syndicalisme en France, de G. Lefranc, 1953

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