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Presse – Restos du cœur

Les nouveaux demandeurs affluent aux Restos du cœur

Mères isolées, jeunes sans accès au RMI, chômeurs sans allocation, personnes âgées sans pension : ils sont en moyenne 10 % de plus que l’hiver dernier à avoir recours à l’aide alimentaire de l’association. Cette montée récente de la pauvreté est confirmée par d’autres réseaux de solidarités.

Près de deux mois après le lancement de la campagne 2003-2oo4 des Restaurants du cœur, les responsables de l’association font état d’une fréquentation accrue de leurs centres d’aide alimentaire. Sur l’ensemble du territoire, la hausse serait de l’ordre de 1o %. Mères isolées, jeunes sans accès au RMI, personnes âgées sans allocations-chômage ni retraite ou demandeurs d’asile : ils sont de plus en plus nombreux à s’inscrire aux Restos. “Un tiers d’entre eux n’ont aucune ressource”, explique un responsable du Nord. Ce constat d’une montée de la pauvreté est confirmé par d’autres responsables d’associations de distribution alimentaire. À Lille, Orléans, Lyon ou en région parisienne, Le Monde brosse le portrait de ces NOUVEAUX VENUS qui ont résisté avant de se résoudre à demander de l’aide.

La statistique est sans doute approximative, mais elle semble refléter un mouvement de précarisation bien réel. Depuis qu’ils ont lancé leur campagne 2003-2004, le 8 décembre, les Restaurants du cœur affirment avoir accueilli davantage de bénéficiaires que l’an passé : + 10 % en moyenne. Même si cette hausse était un peu attendue, début décembre, les responsables de l’association fondée par Coluche ont poussé un cri d’alerte à la mi-janvier. Leur démarche n’est pas seulement dictée par le souci de drainer des dons. Elle traduit une préoccupation très forte : les situations de détresse se multiplient sur l’ensemble du territoire.

Dans le Rhône, 19 424 personnes s’étaient adressées aux Restos lors de la campagne 2002-2003. Cette année, à la fin janvier, elles étaient déjà 20 200. Et la fréquentation va, sans doute, s’accroître encore. Le phénomène, sensible dans les zones urbaines, touche également des communes rurales – comme Beaujeu, dans le Beaujolais. “Nous avons été surpris par le démarrage très rapide de la campagne, explique France Gery, l’une des responsables de l’association. Les gens sont arrivés en nombre dès le premier jour. Nous avons accueilli des personnes nouvelles, notamment des jeunes célibataires qui, souvent, n’ont jamais travaillé. Il y a aussi beaucoup de familles monoparentales – des femmes seules avec enfants, pour l’essentiel. Elles représentent environ un tiers de nos bénéficiaires.”

Ces tendances se retrouvent dans la plupart des centres gérés par les Restos. “Nous croisons pas mal de personnes de plus de 50 ans, qui ont épuisé leurs droits à l’assurance-chômage, ajoute Jean-Pierre Durand, responsable dans le Val-de-Marne. Elles sont considérées comme trop vieilles pour être employées et sont trop jeunes pour faire valoir leurs droits à la retraite.”

Dans le Nord, la progression de la demande s’élève en moyenne à 10 %, avec des poussées “significatives” sur certains secteurs défavorisés de Lille, d’après Vincent Durinck, qui assure le suivi des Restos dans l’agglomération. Dans le quartier de Moulins, le nombre de bénéficiaires était, fin janvier, supérieur de 35 % à celui relevé douze mois plus tôt, selon Pierre Camelot, responsable. “Un tiers d’entre eux n’ont aucune ressource”, complète-t-il. “Je crains que la fin de campagne ne soit difficile”, dit une bénévole. Au cours de la troisième semaine de janvier, elle a traité une cinquantaine d’inscriptions en deux jours. Depuis, le flux s’est un peu ralenti. Le 4 février, une dizaine de personnes nouvelles ont débarqué au centre de Lille-Moulins : un Français sans domicile fixe, plusieurs femmes originaires d’Afrique subsaharienne, un étudiant étranger…

Des demandes insatisfaites

Nous avons reçu plusieurs femmes, qui ont dû quitter leur domicile précipitamment, à la suite de violences conjugales ou d’un différend avec leur conjoint” raconte Catherine Depoorter, bénévole au centre de Comines. Elle mentionne également “un gros afflux de réfugiés”, en provenance de “l’Est”.

Dans les Bouches-du-Rhône, les Restos distribuent des repas à environ 25 000 personnes, contre 23 000 lors de la campagne précédente. Une aide alimentaire est, par ailleurs, accordée à des familles sinistrées, après les intempéries de décembre 2003. Mais toutes les demandes ne peuvent pas être satisfaites : les locaux sont trop étroits et la dotation en vivres n’est pas illimitée. “Sur Marseille, nous avons même cessé d’inscrire de nouveaux bénéficiaires”, précise Paul Schweckendiek, le responsable départemental. Certains centres de la cité phocéenne connaissent une affluence record. À Joliette, plus de 2000 repas sont remis, une fois par semaine. “L’année dernière, nous étions sur un rythme de 1200 à 1350 repas” affirme Simone Tosello, responsable du centre. La population accueillie est grosso modo la même que l’an passé, mais il y a davantage de jeunes qui “se retrouvent sur le carreau”. “Les personnes âgées sont également plus nombreuses, prétend Mme Tosello. La plus vieille de nos bénéficiaires a 97 ans. Ses allocations-logement ont été coupées de moitié, alors qu’elle vit avec 577 euros par mois. Certaines personnes renoncent à se chauffer, parce qu’elles n’ont pas les moyens de régler les quittances d’EDF-GDF.”

Indépendamment des Restos, d’autres réseaux de solidarité, associatifs ou publics, sont, eux aussi, plus sollicités. Ainsi, de nombreuses permanences d’accueil du Secours populaire français enregistrent une fréquentation accrue : + 12 % à Toulouse depuis septembre 2003, selon Marc Castille, secrétaire national. Entre Noël 2002 et Noël 2003, le nombre de “paniers repas festifs” pour des familles en difficulté s’est accru de 17 % dans la préfecture de Haute-Garonne. Le constat est le même à Tours, Nancy, Strasbourg…

Fin 2003 et dans les premières semaines de 2004, “il nous semble avoir ressenti un frémissement à la hausse”, poursuit Pierre de Poret, président de la Fédération française des banques alimentaires, qui redistribue des denrées à des associations, des épiceries sociales et des centres communaux d’action sociale. La tendance n’est toutefois pas aussi marquée qu’aux Restos du cœur.

Comment expliquer pareil phénomène ? L’aggravation du chômage, en 2003, a probablement joué. Au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), les bénévoles ont constaté le retour d’anciens bénéficiaires, qui avaient cessé de venir aux Restos durant la période d’embellie économique. “Nous avions très bien senti les effets de la reprise, renchérit Bruno Lalande, responsable départemental des Restos en Gironde. Il y a quatre ans, nous distribuions 10 000 repas par jour. En 2003, le nombre de bénéficiaires était redescendu à 9 066. Aujourd’hui, après deux mois de campagne, nous en sommes déjà à 10 147.”

“C’est la panique !”

Tout se passe comme si “la base de la pyramide sociale” s’élargissait, analyse Vincent Barazer, directeur d’un centre d’hébergement, à Paris, qui sert des repas à des publics démunis. Développement des emplois atypiques (CDD, intérim, temps partiel), fermeture de lits dans les hôpitaux psychiatriques… Une multitude de facteurs contribuent à fragiliser certaines franges de la population. Aujourd’hui, dit-il, “il suffit d’un accident pour que certaines personnes décrochent et se retrouventen bas de l’échelle sociale.

La tendance risque fort de se prolonger, compte tenu du durcissement des conditions d’indemnisation des chômeurs. “Les familles découvrent qu’on leur coupe leurs allocations. C’est la panique !”, s’exclame Josette Grandhomme, responsable des Restos dans le Loiret. M. Durand est plus nuancé. D’après lui, les demandeurs d’emploi touchés par les réformes de l’Unedic et de l’allocation de solidarité spécifique ne se sont pas encore tournés vers les Restos. “Nous les aurons dans quelques semaines.”

Le Monde, 8-9 février 2004

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